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Russie : Des prisonniers de guerre ukrainiens ont été systématiquement torturés

Tous les détenus devraient être protégés, et la justice pour les crimes de guerre est essentielle

Un soldat ukrainien précédemment détenu par les forces russes, et libéré dans le cadre d'un échange de prisonniers entre les deux pays, étreignait une femme dont des proches avaient disparu, à Tchernihiv, dans l'est de l'Ukraine, le 23 mai 2025. © 2025 Vitalii Nosach/Global Images Ukraine via Getty Images
  • Les autorités et les forces armées russes ont systématiquement torturé et maltraité des prisonniers de guerre ukrainiens.
  • Les preuves indiquent que les tortures physiques et psychologiques infligées constituent une pratique généralisée visant à briser l'estime de soi et la dignité humaine des prisonniers.
  • Les autorités russes devraient mettre fin à la torture et aux mauvais traitements infligés aux détenus ukrainiens, libérer immédiatement et sans condition les civils détenus illégalement, leur permettre de rentrer chez eux et autoriser des observateurs à accéder aux lieux de détention. Les autorités russes responsables de tortures et d'autres abus devraient faire l'objet d'enquêtes et de poursuites judiciaires.

(Kiev, 11 décembre 2025) - Les autorités et les forces armées russes ont systématiquement torturé et maltraité des prisonniers de guerre ukrainiens lors de leur capture et tout au long de leur détention, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. En tant que graves violations des Conventions de Genève qui s'appliquent aux conflits armés internationaux, ces abus constituent des crimes de guerre.

Toute forme de torture à l'encontre de détenus – qu’il s’agisse de prisonniers de guerre, de civils ou d’autres personnes – est strictement interdite par le droit international, et est susceptible de constituer un crime contre l'humanité.

Des représentants d’organes des Nations Unies et d’organisations ukrainiennes de défense des droits humains, ainsi que Human Rights Watch, ont recueilli les témoignages de centaines d'anciens prisonniers de guerre ukrainiens. Les preuves indiquent que les tortures physiques et psychologiques qu'ils ont subies reflètent une pratique généralisée visant à briser l’estime de soi et la dignité humaine des prisonniers. La Russie détient toujours des milliers de prisonniers de guerre ukrainiens dans des conditions atroces, les privant de niveaux adéquats de nourriture, de soins médicaux et d'hygiène de base.

« Le recours systématique et odieux à la torture par les autorités russes, à l’encontre des prisonniers de guerre ukrainiens, constitue une violation grave des protections fondamentales prévues par le droit international humanitaire », a déclaré Holly Cartner, directrice adjointe de la division Programmes à Human Rights Watch. « Les prisonniers de guerre détenus par les forces russes sont confrontés quotidiennement à des épreuves qui mettent leur vie en danger, et tous les responsables de ces atrocités devraient être tenus de rendre des comptes. »

Entre juillet et octobre 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens approfondis avec 12 anciens prisonniers de guerre ukrainiens qui avaient été capturés dans les régions de Donetsk et Louhansk, dans l’est de l’Ukraine, entre mars et juillet 2022. La plupart des entretiens ont été menés en personne en Ukraine ; certains ont été menés par téléphone. Human Rights Watch a également mené des entretiens avec des proches d’ex-prisonniers, des militants des droits humains et des responsables ukrainiens.

Les anciens prisonniers de guerre ont décrit des abus commis dans plusieurs lieux de détention en Russie, ainsi que dans les zones occupées par la Russie en Ukraine. Ils ont évoqué des passages à tabac, l’obligation de maintenir des positions douloureuses, la privation de sommeil, des simulacres d'exécution et des attaques par des chiens. Ils ont déclaré avoir été torturés dès leur capture, et pendant toute la durée de leur détention.

Six ex-prisonniers de guerre ukrainiens : pour en savoir plus sur leurs expériences, veuillez cliquer sur leurs photos ci-dessous.

A man poses for a photo standing outside
Serhiy Boychuk >>

Capturé en juillet 2022, libéré lors d'un échange de prisonniers en octobre 2024.

Durée de captivité : 27 mois.

A man smiles in a photo
Maksym Butkevych >>

Capturé en juillet 2022, libéré lors d'un échange de prisonniers en octobre 2024.

Durée de captivité : 28 mois.

silhouette
“Dmytro” >>

Capturé en avril 2022, libéré lors d'un échange de prisonniers en juin 2025.

Durée de captivité : 38 mois.

A man poses for a photo holding a book
Vladislav Drozdov >>

Capturé en avril 2022, libéré lors d'un échange de prisonniers en juin 2025.

Durée de captivité : 38 mois.

A man speaks in front of a Ukrainian flag
Anatoliy Pliashnik >>

Capturé en avril 2022, libéré lors d'un échange de prisonniers en février 2025.

Durée de captivité : 34 mois.

a man in military uniform
Artur Reutov >>

Capturé en mai 2022, libéré lors d'un échange de prisonniers en mai 2025.

Durée de captivité : 3 ans.

Onze des douze ex-prisonniers ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles, notamment des viols ou des menaces de viol, des épisodes de nudité forcée, des formes d’humiliation, ainsi que des électrochocs infligés aux parties génitales. Un soldat ukrainien, capturé près de Lysychansk dans la région de Louhansk, a déclaré que des soldats russes s’étaient moqués de son tatouage constitué des mots « Force et honneur » ; ils l'avaient forcé à s'asseoir sur une bouteille, tout en appuyant sur ses épaules.

Les anciens prisonniers ont également décrit des conditions de détention inhumaines : une nourriture insuffisante ou immangeable, un manque de produits d'hygiène et d'assainissement de base, et un accès très limité aux soins médicaux, même dans des cas où leur vie était en danger. Quatre ex-prisonniers de guerre interrogés par Human Rights Watch ont directement impliqué le personnel médical des centres de détention dans des actes de torture.

Un sergent de 50 ans a déclaré que le lendemain de sa détention dans la région de Louhansk en septembre 2022, trois officiers du renseignement militaire russe l'ont emmené dans une maison abandonnée près de la ligne de front ; ils l'ont attaché à une chaise et lui ont infligé des décharges électriques pendant deux à trois heures, utilisant un téléphone militaire de campagne et d'autres appareils. Ils l'ont frappé avec des matraques en caoutchouc, des bâtons, des crosses de fusil et un gourdin avec une extrémité métallique), sur tout le corps et à la tête ; une précédente blessure à la tête, qui était en voie de guérison, a recommence à saigner. Ils lui ont demandé des informations sur les positions militaires ukrainiennes, et les noms de ses commandants.

La troisième Convention de Genève, relative au traitement des prisonniers de guerre, régit le traitement de soldats capturés lors d'un conflit armé international, en particulier les obligations liées à leur statut de prisonniers de guerre. La Russie est un État partie aux Conventions de Genève, et ces normes font également partie du droit international coutumier.

Pourtant, les forces russes refusent en général de traiter les soldats ukrainiens capturés comme des prisonniers de guerre, ou de reconnaître leur statut protégé en vertu du droit de la guerre. Les responsables russes tentent souvent de justifier ce déni en affirmant à tort que le conflit est une « opération militaire spéciale » et non une guerre. Un ancien prisonnier de guerre a déclaré qu'un officier russe aurait dit à un groupe de prisonniers de guerre agenouillés : « Vous n'êtes pas [des prisonniers de guerre]... Vous êtes des gens ayant disparu du champ de bataille. » Il a ajouté : « Si vous voulez, on peut marcher jusqu’au trou que nous avons creusé dans le jardin, et je vous montrerai ce qui reste des prisonniers [qui se sont mal comportés]. »

Les autorités russes n'autorisent que des communications arbitraires et sporadiques entre les prisonniers de guerre et leurs familles, les restreignant parfois totalement. Les familles des prisonniers de guerre ignoraient souvent où ils se trouvaient, ou ne le découvraient que par hasard, souvent grâce à des vidéos de propagande russes.

La Russie a systématiquement refusé d'accorder aux observateurs internationaux l'accès aux prisonniers de guerre ukrainiens, empêchant ainsi tout examen indépendant de leurs conditions de détention et de leur traitement.

En octobre 2024, la Commission d'enquête internationale indépendante des Nations Unies sur l'Ukraine (COI) a conclu que les autorités russes, dans leurs actions contre les civils ukrainiens détenus et les prisonniers de guerre, « ont agi dans le cadre d’une politique coordonnée de l’État et ont donc commis des crimes contre l’humanité que sont les actes de torture ».

Le gouvernement russe devrait immédiatement mettre fin à la torture et aux mauvais traitements infligés à tous les détenus ukrainiens, et libérer tous les civils ukrainiens détenus illégalement ; il devrait aussi accorder au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ainsi qu’à d’autres observateurs indépendants dotes d’une expertise en matière de droits humains, un accès immédiat et sans restriction à tous les lieux de détention où se trouvent des prisonniers de guerre et des civils ukrainiens. Les forces et les autorités russes responsables d'avoir commis ou ordonné des actes de torture ou des mauvais traitements, ou n’ayant pas agi pour les empêcher, devraient faire l'objet d'enquêtes et de poursuites.

Aucune négociation en vue d’un accord de paix concernant la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine ne devrait inclure l'amnistie pour les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et d’autres crimes atroces.

Le droit international humanitaire exige que les prisonniers de guerre soient traités avec humanité et protégés contre les abus, y compris les procédures judiciaires injustes. Il interdit explicitement de poursuivre des prisonniers de guerre simplement pour avoir participé à des hostilités. De telles poursuites constituent des crimes de guerre. Les actions de guerre menées de manière légale par des soldats, lors d’un conflit armé, ne peuvent être criminalisées par la puissance ennemie si ces soldats sont capturés.

« Les simulacres d'exécution, les décharges électriques et les passages à tabac continuels visent non seulement à infliger des souffrances, mais aussi à priver les prisonniers de guerre de leur dignité », a conclu Holly Cartner. « Les autorités russes devraient mettre fin immédiatement à ces abus horribles, et garantir la sécurité de tous les détenus ukrainiens. . »

Suite détaillée en anglais.

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