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États-Unis : La politique d'immigration affaiblit la sécurité publique

Les entraves à la protection des personnes migrantes victimes de crimes met les communautés en danger

Deux agents masqués du Service américain de l'immigration et des douanes (Immigration Customs Enforcement, ICE) détenaient une femme migrante à sa sortie d'une audience au tribunal de l'immigration à New York, le 1er août 2025.  © 2025 Michael M. Santiago/Getty Images

(Washington) – Les mesures prises par l'administration Trump en matière d'immigration aux États-Unis compromettent la protection des personnes sans papiers ayant été victimes de crimes, en entravant la capacité des forces de l'ordre à enquêter sur ces crimes en vue de poursuivre leurs auteurs, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.  

Le rapport de 50 pages, intitulé « “We Need U”: How the U Visa Builds Trust, Counters Fear, and Promotes Community Safety » (« “On a besoin du visa U” : Comment le visa U renforce la confiance des victimes, atténue la peur et favorise la sécurité communautaire »), constate que la politique d'expulsion de migrants menée par l'administration Trump sape les programmes fédéraux de visas qui offrent aux victimes de crimes la possibilité d'obtenir un statut de résident légal lorsqu'elles coopèrent avec les forces de l'ordre. Les nouvelles directives en matière d'application de la loi, qui permettent notamment aux agents du Service américain de l'immigration et des douanes (Immigration Customs Enforcement, ICE) d'appréhender des personnes dans des lieux auparavant sûrs tels que les tribunaux et les centres de santé, ont un effet fortement dissuasif sur des personnes migrantes qui souhaiteraient signaler des crimes à la police, ou demander une ordonnance de protection.

« Malgré les discours musclés de l'administration Trump sur la répression de la criminalité, ses politiques et mesures en matière d’immigration profitent à des auteurs de violences, désormais moins exposés au risque d'être arrêtés et poursuivis », a déclaré Sara Darehshori, consultante auprès de Human Rights Watch et auteure du rapport. « Si l'administration Trump souhaite sérieusement lutter contre la criminalité, elle devrait étendre et améliorer les programmes de visas qui permettent aux victimes de signaler les crimes, sans crainte d'être elles-mêmes expulsées. » 

Le Congrès a créé le visa U en 2000 pour aider à lutter contre la violence sexiste, reconnaissant que les femmes et les enfants sans papiers sont particulièrement vulnérables aux abus et peu susceptibles de signaler les crimes par crainte d'être expulsés. Dans le cadre du programme de visas U, les victimes de viol, de violence domestique, de traite et de 25 autres types de crimes peuvent obtenir un statut de résident-e légal-e si elles coopèrent avec les forces de l'ordre ou un autre organisme de certification, s’il est avéré qu’elles ont subi d’importants abus physiques ou mentaux importants, et si elles sont par ailleurs admissibles aux États-Unis. 

Ce programme vise à empêcher les agresseurs d'utiliser la menace d'expulsion comme moyen de dissuasion pour empêcher les victimes de contacter la police, et à renforcer la capacité des forces de l'ordre à enquêter sur ces crimes, en vue de poursuivre leurs auteurs.

Entre mai et octobre 2025, les chercheuses ont mené 43 entretiens dans diverses villes des États-Unis, avec des agents des forces de l'ordre, des avocats spécialisés en droit de l'immigration, des victimes de crimes et des activistes, afin de mieux comprendre l'impact du programme de visas U.

Dans un cas, par exemple, le compagnon d'une femme l'a brutalement battue en juin 2023. Il l'a frappée à coups de poing, lui a coupé la main et le visage avec un couteau, l'a frappée avec une bouteille et l'a étranglée jusqu'à ce qu'elle perde connaissance. Il a menacé de la tuer, lui disant qu'elle finirait dans un « sac mortuaire ». Elle a été transportée aux services d’urgences d'un hôpital, où elle a été soignée pour de graves lacérations et une fracture de l'épaule. Pendant son séjour à l'hôpital, elle a trouvé le courage de signaler les violences au département de police de New York, une décision qui, selon elle, lui a sauvé la vie. Elle attend désormais son visa U.

« Les agresseurs recourent régulièrement à des menaces pour empêcher leurs victimes de contacter la police, soulignant qu’elles risquent d’être expulsées du pays, et/ou séparées de leurs enfants », a expliqué Sara Darehshori. « Les tactiques agressives utilisées par l'agence ICE sous l'administration Trump risquent de rendre les survivantes plus réticentes que jamais à demander l'aide dont elles ont besoin. »

Une enquête menée par l'ONG Alliance for Immigrant Survivors renforce les craintes que les pratiques répressives de l'administration Trump aient donné aux agresseurs un outil puissant pour contrôler leurs victimes. Sur les 170 activistes et avocats interrogés à l'échelle nationale au printemps 2025, plus de 75 % ont déclaré que leurs client-e-s avaient peur de contacter la police et plus de 70 % ont déclaré que leurs client-e-s hésitaient à se rendre au tribunal pour y livrer leur témoignage. 

Les avantages du programme de visas U vont au-delà des cas de violence conjugale et des communautés immigrées. Des études établissent un lien entre les auteurs de violences domestiques et un large éventail d'autres crimes commis en dehors du domicile. Les personnes interrogées ont décrit des cas où des victimes immigrées ont apporté une aide essentielle dans des affaires de vol de salaire, de meurtres, de vols, de crimes haineux et de viols ou d'agressions sexuelles commis par des inconnus. Elles ont également décrit les nombreux dispositifs prévus dans le cadre du programme de visas U, pour détecter les fausses déclarations. 

Le programme de visas U est loin d'être parfait, a observé Human Rights Watch. Le nombre de visas disponibles est trop limité, et les victimes doivent parfois attendre des années avant l’obtention d’un visa. La procédure peut aussi parfois sembler arbitraire, car les forces de l'ordre disposent d'un large pouvoir discrétionnaire pour décider de délivrer ou non l'attestation requise pour qu’une demande soit acceptée. 

Néanmoins, ce programme est un outil essentiel pour assurer la sécurité de nombreuses personnes aux États-Unis, et pour permettre au gouvernement de respecter ses obligations en matière de droits humains, notamment en matière de lutte contre la violence sexiste et de protection des victimes. Le Congrès devrait adopter des mesures visant à renforcer et à étendre ce programme, a déclaré Human Rights Watch.

« L’obtention d’un visa U aide à surmonter la peur qui réduit souvent les survivantes au silence, et leur fournit la sécurité nécessaire pour demander de l'aide et soutenir les enquêtes sans mettre en danger le bien-être de leur famille », a déclaré Saloni Sethi, commissaire du Bureau du maire de New York chargée des questions de violences domestiques et sexistes. « Renforcer et rationaliser le processus d'obtention du visa U permettrait à davantage de survivantes signaler les abus et de recevoir le soutien qu'elles méritent ; cela aiderait à poursuivre les auteurs de ces crimes, et contribuerait à renforcer la sécurité à New York. »

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