(Abuja, 25 novembre 2025) – Les autorités nigérianes devraient agir d’urgence pour assurer la libération des élèves et des enseignants récemment enlevés dans le nord-ouest du pays et prendre des mesures concrètes pour protéger les écoles et les communautés contre de nouvelles attaques, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les groupes responsables des enlèvements devraient immédiatement libérer les élèves et les enseignants détenus.
Le 18 novembre, 25 écolières ont été enlevées par des hommes armés non identifiés à l'école secondaire publique pour filles de Maga, dans l'État de Kebbi. Trois jours plus tard, le 21 novembre, au moins 303 élèves (filles et garçons) et 12 enseignants ont été enlevés à l'école primaire et secondaire catholique St. Mary's de Papiri, dans l'État du Niger.
« Ces enlèvements massifs dans des écoles mettent une fois de plus en évidence le ciblage délibéré des élèves, des enseignants et des écoles alors que la situation sécuritaire continue de se détériorer au Nigeria », a déclaré Anietie Ewang, chercheuse sur le Nigeria à Human Rights Watch. « L'aggravation de la crise met en lumière l'incapacité du gouvernement à protéger les communautés vulnérables. »
Aucun groupe n'a revendiqué la responsabilité de ces attaques. Ces dernières années, le Nigeria a été en proie à des attaques violentes et à des enlèvements perpétrés par des gangs criminels communément appelés « bandits ». Ces groupes ont procédé à des enlèvements contre rançon, notamment d’élèves des régions du nord-ouest et du centre du Nigeria. Le 18 novembre, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, NIM), lié à Al-Qaïda et actif dans tout le Sahel, a revendiqué la responsabilité d'une attaque contre une patrouille militaire menée dans l'État de Kwara le 29 octobre ; il s’agissait apparemment de sa première incursion sur le territoire nigérian.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec les parents de deux des filles enlevées dans l'État de Kebbi. Isa Nazifi, le père de Khadija Nazifi, une élève de 13 ans qui figurait parmi les personnes enlevées, a déclaré : « J'ai immédiatement pris une moto et je me suis précipité à l'école, où j'ai trouvé ma deuxième fille, également élève dans cette école. Elle m'a dit que Khadija avait été enlevée. Nous sommes extrêmement inquiets. Ma femme est en larmes. Je resterai ici à l'école jusqu'à ce que ma fille revienne. Si je rentre à la maison sans elle, que vais-je dire à ma famille ? »
Malam Sani Zimri, dont la fille, Salima Sani Zimri, est une lycéenne qui a également été enlevée, a déclaré avoir entendu des rumeurs provenant d'autres parents concernant une possible attaque de bandits au cours de la semaine ayant précédé l'incident : « Nous avions repris confiance après avoir vu des militaires surveiller la zone, mais nous avons réalisé qu'il n'y avait aucun agent de sécurité sur place pendant les trois heures qu'a duré l'incident. »
En 2014, l'enlèvement d'écolières à Chibok, dans l'État de Borno par le groupe islamiste armé Boko Haram avait provoqué l'indignation mondiale. Depuis lors, une série d'enlèvements dans des écoles du nord du Nigeria a laissé des familles traumatisées et des communautés entières vivant dans la crainte que si leurs enfants allaient à l'école, ils ne rentrent jamais à la maison. En 2016, Human Rights Watch a rapporté que Boko Haram avait également enlevé plus de 300 enfants de l'école primaire Zanna Mobarti à Damasak, dans l'État de Borno, en 2015.
En décembre 2020, plus de 300 garçons ont été kidnappés dans un internat à Kankara, dans l'État de Katsina. Début 2021, des élèves ont de nouveau été enlevés lors d'incidents majeurs à Kagara, dans l'État du Niger, et à Jangebe, dans l'État de Zamfara, suivis par l'enlèvement de plus de 100 élèves du lycée baptiste Bethel dans l'État de Kaduna. La vague d'enlèvements s'est poursuivie en 2024 avec l'enlèvement d'élèves dans des écoles à Kuriga, dans l'État de Kaduna, et à Gidan Bakuso, dans l'État de Sokoto.
Les autorités nigérianes n'ont pas tiré les leçons des attaques précédentes pour mettre en place des systèmes d'alerte précoce et d'autres mesures susceptibles de prévenir ces atrocités, a déclaré Human Rights Watch.
En réponse aux récents enlèvements, le gouvernement a promis de secourir les élèves kidnappées et de traduire les responsables en justice. Le président Bola Tinubu a ordonné aux agences de sécurité d'agir rapidement pour ramener les filles, tout en exhortant les communautés locales à partager leurs renseignements.
Les autorités ont également fermé 47 écoles secondaires fédérales connues sous le nom de Federal Unity Colleges, et certains États, dont Katsina, Taraba et Niger, ont également fermé des écoles ou restreint les activités scolaires, en particulier dans les internats. Si ces mesures visent à protéger les élèves, elles ont perturbé l'éducation de milliers d'enfants, les privant d'accès à l'éducation et du soutien social et psychologique que leur apportent les écoles. Sans mesures concrètes visant à offrir d'autres possibilités d'apprentissage afin d'assurer la continuité de leur éducation, les élèves risquent de prendre du retard scolaire et de subir des revers à long terme dans leur développement.
Le Nigeria est l’un des pays signataires de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui engage le gouvernement à prendre des mesures concrètes pour protéger l'éducation en période de conflit et d'insécurité. Pourtant, les enlèvements se poursuivent à grande échelle, à un rythme sans relâche. Le 19 novembre, le Sénat nigérian a ordonné une enquête approfondie sur la mise en œuvre du Fonds pour la sécurité des écoles du gouvernement, demandant pourquoi les fonds destinés à la protection des écoles n'avaient pas permis d'empêcher les attaques récurrentes. Le gouvernement devrait agir d’urgence pour faire avancer une proposition visant à introduire une législation afin de mettre en œuvre la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, a déclaré Human Rights Watch.
« Les enfants nigérians ont le droit d'aller à l'école sans craindre pour leur vie », a conclu Aniete Ewang. « Les autorités nigérianes devraient donner la priorité à la libération en toute sécurité des enfants et des enseignants kidnappés, et traduire en justice les responsables. »
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