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Soudan : Atrocités de masse dans une ville capturée au Darfour

Les Forces de soutien rapide ayant pris le contrôle d’El Fasher commettent des abus généralisés contre les civils tentant de fuir

Des personnes soudanaises déplacées ayant réussi à fuir El Fasher, capitale du Darfour-Nord capturée deux jours plus tôt par les Forces de soutien rapide (FSR), arrivaient à Tawila, autre ville située dans cette province au Soudan, le 28 octobre 2025.  © 2025 Photo by -/AFP via Getty Images

(Nairobi) – Des dizaines de vidéos publiées ces derniers jours sur les réseaux sociaux montrent des combattants des Forces de soutien rapide (FSR, ou RSF en anglais) commettant des exécutions extrajudiciaires et d'autres violations graves à l'encontre de personnes fuyant El Fasher, la capitale du Darfour-Nord au Soudan, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.

Des milliers de personnes tentent de fuir El Fasher depuis que les FSR ont pris le contrôle de cette ville, le 26 octobre. Leur victoire est l'aboutissement d'un siège de 18 mois et d'attaques incessantes qui ont provoqué une famine dans les camps de déplacés situés dans et autour de la ville. Leurs attaques illégales contre les personnes en fuite suscitent l'inquiétude quant au sort des dizaines de milliers de civils qui, la semaine dernière, se trouvaient encore dans la ville.

« Les images horribles provenant d'El Fasher portent la marque des atrocités de masse commises par les Forces de soutien rapide », a déclaré Federico Borello, directeur exécutif par intérim de Human Rights Watch. « Si le monde n'agit pas de toute urgence, les civils subiront de plein fouet des crimes encore plus odieux. Les pays soutenant les FSR, notamment les Émirats arabes unis, devraient faire pression sur ces forces pour qu’elles cessent leurs abus, tandis que les dirigeants mondiaux devraient prendre des mesures fortes contre les dirigeants des FSR. »

Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait agir d’urgence pour empêcher de nouvelles atrocités, a déclaré Human Rights Watch. Les responsables des États-Unis, de l'Arabie saoudite, de l'Égypte et des Émirats arabes unis, quatre pays connus sous le nom de « Quad », se sont récemment réunis à Washington ; ils devraient clairement souligner que les dirigeants des FSR seront tenus de rendre des comptes, notamment par le gel immédiat de leurs avoirs et l'interdiction de voyager.

Le 26 octobre, des informations ont commencé à circuler selon lesquelles les forces FSR avaient pris le contrôle de la garnison militaire abritant la 6e division d'infanterie des Forces armées soudanaises (FAS, ou SAF en anglais) à El Fasher et de l'aéroport de la ville. Les forces FSR contrôlent déjà toutes les autres grandes villes de la région du Darfour.

Au cours des derniers mois, les FSR ont creusé une tranchée et construit un rempart de terre et de sable encerclant El Fasher. Les combattants FSR ont largement empêché les commerçants et les groupes d'aide humanitaire d'entrer dans la ville, ce qui a contraint de nombreux civils à se nourrir de fourrage pour animaux. L'organisation humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF) a signalé que 75 % des 165 enfants de moins de 5 ans qu'elle a examinés à El Fasher les 18 et 19 octobre souffraient de malnutrition aiguë.

Des intervenants locaux et des médias ont signalé une recrudescence des frappes de drones depuis septembre, qui ont tué et blessé des civils. Le 15 octobre, un activiste a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait survécu à une attaque de drone ce jour-là, qui avait tué deux civils et en avait blessé deux autres.

Les civils qui tentent de fuir El Fasher ont été victimes de graves exactions en cours de route, notamment des viols, des pillages et des meurtres.

Ces exactions se sont intensifiées avec la victoire des FSR. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux depuis le 26 octobre, analysées et vérifiées par Human Rights Watch, montrent des combattants FSR célébrant la mort d'un grand nombre d'hommes, en uniforme ou en tenue civile, ainsi que de femmes. On y voit des combattants qui exécutent apparemment des civils ; ils raillent, maltraitent et tuent des personnes gravement blessées.

Human Rights Watch a géolocalisé huit vidéos filmées à côté du remblai qui encercle la ville, à environ 8 kilomètres au nord-ouest d'El Fasher. Une vidéo, filmée du haut du remblai, montre des dizaines de corps, certains en tenue militaire, dans la tranchée en contrebas. Dans une autre vidéo, un combattant des FSR portant un foulard blanc s'accroupit à côté d'un homme en civil, bandé à la jambe droite, allongé sur le sol. Alors que l'homme implore sa pitié, le combattant lui répond : « Je n'aurai aucune pitié pour toi... nous sommes ici pour tuer. » Puis le combattant se relève et tire cinq fois sur l'homme, avec un fusil de type AK. Dans une autre vidéo filmée près du rempart, on entend un combattant des FSR crier : « Nous ne donnerons aucune garantie aux prisonniers. »

Site des vidéos filmées à El Fasher
Carte de la ville d’El Fasher (région du Darfour) au Soudan, capturée par les Forces de soutien rapide (FSR) le 26 octobre 2025. La ligne noire correspond au rempart érigé par les forces FSR autour de la ville. Le point rouge correspond au site de plusieurs vidéos filmées par des combattants FSR et géolocalisées par Human Rights Watch. © 2025 Human Rights Watch

Le 27 octobre, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a averti que « le risque de nouvelles violations et atrocités à grande échelle motivées par des considérations ethniques à El Fasher augmente de jour en jour ». Son bureau a déclaré que des centaines de personnes en fuite auraient été arrêtées. Les FSR ont arrêté un journaliste, Muhammar Ibrahim, le 26 octobre.

Les forces FSR a déjà commis des atrocités de masse contre des civils à la suite de victoires militaires. Human Rights Watch a précédemment documenté qu’en juin 2023, les FSR et leurs alliés avaient ouvert le feu sur un convoi de plusieurs kilomètres de civils et de combattants des Forces armées soudanaises et des groupes armés alliés fuyant El Geneina, la capitale du Darfour occidental, tuant un grand nombre de personnes. En novembre 2023, les forces FSR ont tué des centaines de civils à Ardamata, une banlieue d'El Geneina, dernier refuge de l'ethnie Massalit, après avoir pris le contrôle de la garnison militaire qui s'y trouvait. Human Rights Watch a conclu que les FSR avaient commis des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre généralisés dans le cadre d'une campagne de nettoyage ethnique visant les Massalit et d'autres populations non arabes d'El Geneina. Le contexte et la nature généralisée et ethniquement ciblée des meurtres soulèvent également la possibilité que ces meurtres aient constitué des actes de génocide.

En avril 2025, alors que les acteurs internationaux se préparaient à tenir une conférence sur le Soudan à Londres, les FSR ont mené une attaque à grande échelle contre le camp de déplacés de Zamzam, à 15 kilomètres au sud d'El Fasher. 

Les FSR ont ignoré les appels répétés du Conseil de sécurité lui demandant de mettre fin au siège d'El Fasher.

La prise de contrôle d'El Fasher par les FSR a eu lieu alors que des pourparlers informels entre les parties belligérantes étaient apparemment en cours à Washington, sous les auspices des quatre pays du Quad. En septembre, ces pays ont appelé les parties belligérantes à mettre en œuvre une « trêve humanitaire » d'une durée initiale de trois mois, afin de permettre l'acheminement de l'aide humanitaire dans tout le pays.

Depuis le début du conflit, des experts de l'ONU ainsi que des médias et des organisations internationaux ont rapporté que les FSR, malgré leur bilan odieux en matière de droits humains, bénéficie du soutien militaire des Émirats arabes unis. Human Rights Watch et France 24 ont documenté l'utilisation par les FSR d'armes qui appartenaient auparavant à l'armée des Émirats arabes unis. Des médias internationaux ont rapporté qu'une société basée aux Émirats arabes unis avait recruté et déployé d'anciens membres de l'armée colombienne au Darfour pour former les combattants FSR et combattre à leurs côtés. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, vérifiées et géolocalisées par Human Rights Watch, montrent des combattants étrangers hispanophones engagés dans de violents combats à El Fasher.

Le Conseil de sécurité devrait immédiatement rencontrer et entendre les Soudanais directement touchés par les événements d'El Fasher et imposer des sanctions au chef des FSR, Mohamed Hamdan Dagalo (connu sous le nom de « Hemedti »), et à son frère, Abdel Raheem Hamdan Dagalo, commandant adjoint des FSR, pour violations graves du droit international humanitaire. Abdel Raheem Hamdan Dagalo se trouvait à Ardamata lors des violations massives commises contre des civils et dans les environs d'El Fasher, où il mobilisait des forces en vue de l'attaque décisive contre le camp de Zamzam.

L'Union européenne, le Royaume-Uni et d'autres pays devraient imposer de toute urgence des sanctions ciblées à l'encontre de ces deux hommes. Les Émirats arabes unis devraient immédiatement user de leur influence pour exiger que les FSR mettent fin à leurs attaques contre les civils.

« La communauté internationale devrait faire clairement comprendre aux dirigeants des FSR que leurs attaques contre les civils auront de graves conséquences », a conclu Federico Borello. « Le Conseil de sécurité des Nations Unies et les États jouant un rôle clé devraient agir immédiatement contre ces actes criminels, notamment en sanctionnant les dirigeants des FSR. »

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